Jay Garner, grand désaddamisateur
LA VIE DES GRANDS FAUVES N°159
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Charlie du 16 avril 2003
Yes. l’Im Jay, but not gay. Général en retraite, trois étoiles, soixante-quatre ans, commandant de la défense stratégique et spatiale en 1994, chef d’état-major en second de 1 armée de terre en 1996, faucon entre les faucons, proche du lobby pro-israélien, patron de Sy Technology, puis de Sy Coleman, entreprise d’armement qui a notamment travaillé sur les systèmes de missiles Patriot et Arrow. Et me voilà depuis février responsable du Bureau pour la reconstruction et l’assistance humanitaire en Irak. Vous me direz, dans la vie, faut choisir : soit tuer, soit soigner (allitération [1]). Je vous dirai : moi, je fais les deux. Vous me direz : n’est-ce pas un peu facile ? Je vous dirai : ta gueule.
Donald Rumsfeld m’a pris par le Col : « Tu vas désaddamiser ? » « Quoi ? » « Désaddamiser. Ouste ! » Faut dire que je m’étais déjà rodé dans les provinces kurdes du nord de l’Irak, en 1991, avec un million de réfugiés. Oui, juste après que Papa Bush eut appelé les populations chiites et kurdes à se révolter contre Saddam, avant d’arrêter pile-poil ses chars à la frontière de l’Irak, histoire de permettre au tyran de Bagdad de liquider six mille révoltés exotiques (hypothèse basse) dans les exotiques Najaf, Kerbela et Bassora. Les Kurdes m’ont dit : « Allez-vous nous laisser tuer par Saddam ? » « Non, prenez un chewing-gum. » « Et par les Turcs ? » « Non, prenez un autre chewing-gum. »
Ainsi naquit ma vocation humanitaire. D’ailleurs, ma reconversion comme missilier rriavait sensibilisé à Yangoisse des victimes civiles. Alors, certains gémissent : « Garner, après son action humanitaire au Kurdistan, il a commandé les batteries de missiles Patriot installées en Israël. Garner, il a toujours fait partie des délégations de militaires américains allant en Israël. Garner, en 2000, en compagnie de quarante généraux retraités de l’armée américaine, il a signé une déclaration glorifiant la conduite exemplaire, parfaitement, exemplaire, de l’armée israélienne dans la répression de l’Intifada. » De là à dire que je fais partie des sionistes, un pas que les ennemis du nouvel Irak démocratique ne vont pas hésiter à franchir. C’est tellement bas que je ne répondrai pas.
Mon travail commence. D’abord, désaddamiser l’armée et la police. Remarquez, l’armée, il n’y en a plus. La police, c’est plus délicat. On a toujours besoin de policiers, qui sont des gens neutres, apolitiques et toujours serviables vis-à-vis du pouvoir établi. Et qui ont des listes. J’ai appris à dire « bakchich », le mot le plus utile quand on désaddamise. On m’ a proposé aussi de dékadhafiser et de déshafezelassadiser. Ça viendra, vous inquiétez pas. l’humain, toujours l’humain.
0.B.
Mots clés : Jay Garner, USA, Défense, Irak
[1] Répétition d’une consonne ou d’un groupe de consonnes produisant une harmonie suggestive (Le Petit Larousse illustré)
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