Mais qui croit en Dieu, nom de Dieu !

Mais qui croit en Dieu ! Je suis bigot, vendéen et fier de l’être. Je m’essuie les pieds sur les pauvres, mais, au paradis, je leur laverai, amen. J’ai toujours un chapelet dans le poche, que je tripote contre mes caleçons brodés de la croix du Sacré-Coeur. Ça me calme. Car j’ai envie de gueuler !

Comment se fait-il que Charlie n’ait pas encore parler moi, alors que je suis le patron le plus odieux de la galaxie, renvoyant Edouard Michelin au niveau de sous-cuistot des Restos du coeur ? C’est moi, DVP, le patron de l’AFEP, Association française des entreprise privées, l’assoc plus réactionnaire encore que l’affreuse UIMM (Union des industries métalurgiques et minières) ! L’AFEP, c’est les quatre-vingts plus gros patrons français. Bébéar, l’homme au slip en peau de panthère et aux pognes sanglantes, vient de nous rejoindre avec Desmarets, l’homme aux mains glantes. De bons gars.

J’ai soixante-dix ans, diplômé de HEC et de Harvard, " ni du corps des Mines, ni du corps des Ponts, ni du corps des Pompes funèbres [1] " ah, ah, ah ! Un vrai marrant le Pineau ! Je fais pas de politique : je suis copain avec Juppé et Villiers, mais, la politique, c’est pas mon truc. C’est pourquoi j’aime bien Cresson, aussi nulle que moi en politique.

Schneider, c’est moi. En quinze ans, j’ai fait de l’ex-groupe belge Empain-Schneider le n°1 mondial de la construction électrique moyenne et basse tension. J’ai racheté Télémécanique, Square D l’Américain, ai fusionné avec AEG le Boche, bricoler une fusion avec mon propre holding de tête, la Spep, puis avec ma propre filiale, BTP Spi-Batignolles, bref, je suis un fusionneur.

J’ai tellement magouillé que ces cons de Belges m’ont foutu en cabane pour une saleté d’ABS. Je me suis évadé - enfin, je suis parti contre promesse de retour (sont con ces Belges !) - et maintenant me voilà tricart en Belgique ! Bon, j’ai laissé la place à ce pauvre Lachmann [2], qui vient de rater son OPA sur Legrand, nigaud. J’espère que les Belges me foutront la paix.

Ma grande fiereté, c’est Creusot-Loire. Le démantèlement. je suis pas un industriel. Mon truc, c’est la finance. Creusot-Loire, démantelé, mis en faillite... ah, ah ! Ces prolos virés, laminés, écrasés sous le soulier... Non, mais... On m’avait surnommé le " casseur d’entreprise " après cette affaire. Moi qui lis René Char (sans bien le comprendre, d’ailleurs) et Alain (sans comprendre non plus) !

Pour moi, le prolo, c’est " la variable d’ajustement ". Je l’ai dis au Figaro il y a quelques jours : " l’emploi est la seule variable d’ajustement [3]". Manquerait plus que le capital s’adapte ! Aux prolos de s’adapter. Flexibilité, obéissance, licenciement, déménagement, ajustement. Je les hais. Mais au paradis, promis, les gueux, je vous lave les pieds.

O.B.

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MOTS CLES : Pineau-Valencienne Didier, Bigot, Finance, démentèlement, Schneider, Creusot-Loire, Association française des entreprise privées, HEC

[1] La Tribune, 12/05/1995

[2] Voir Charlie n°465

[3] 16/05/2001