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Nicole Notat, P-DG de Vigeo


LA VIE DES FAUVETTES N°167



Charlie du 11 juin 2003

Eulia, Crédit lyonnais, Accor, Danone, France Télécom, Lafarge, PPR, Suez, Schneider... Et même Total ! Toutes ces grandes entreprises ont investi dans ma petite entreprise, Vigeo, une agence de notation sociale et environnementale. Accor me conseille pour l’exploitation des femmes de ménage, le Crédit lyonnais pour les prêts à fonds perdus, France Télécom pour l’endettement abyssal, Total pour le mazout, et Lafarge le bétonneur pour les entraves à la concurrence. Suez, elle, serait plutôt spécialisée dans les contrats élastiques pour les collectivités territoriales : vous signez pour cent et vous payez pour mille.

J’ai eu envie, à cinquante-cinq ans, de devenir patronne. À force de cirer les pompes, soudain vous prend un désir violent de Berlutti. Je me dis q’un jour je gérerai un énorme fonds de pension, comme Bill Crist, le patron de Calper’s... Si Chérèque... Bon. Nous n’en sommes pas là.

En 1997, Geneviève Ferone avait créé Arese, la première agence « éthique ». Une agence de notation sociale. Elle notait les entreprises en fonction de leur respect du droit du travail et de l’environnement et faisait du très bon boulot, soutenue par la Caisse Nationale des caisses d’épargne (Philippe Wahl, patron) et par la Caisse des dépôts (Lebègue, patron). Je vais voir Wahl. Je vais voir Lebègue. Je leur dis : II faut une nouvelle dimension à cette agence. »

Un mois plus tard, Ferone est débarquée, brutalement, et Eulia, filiale commune de la Caisse des dépôts et des Caisses d’épargne, finance 40% de mon capital. Que vouliez-vous que je fisse ? Que je m’associasse avec elle ? Dehors, la Ferone.

Me voilà patronne de Vigeo, ex-Arese. Aussitôt, les deux tiers du personnel se tirent, choqués. Pas grave. Nicolas Théry, inspecteur des Finances, me file un sacré coup de main et m’aide à recruter des remplaçants. Je contacte Voynet, qui me rit au nez devant la faiblesse du contenu environnemental de mon projet. Pas grave. On fera de l’environnement avec les patrons. Je recrute Elie Cohen, directeur du CNRS et gros malin. J’approche Lachman, le RPR ultralibéral, patron de Schneider, fanatique des fonds de pension et de la diminution des impôts. Il grimpe aux rideaux. Enfin, la CFDT boucle le tour de table.

Mon capital de 12 millions d’euros en poche, je me lance. Je vends aux entreprises des « contrats en notation sociale ». Je vends les contrats 100 000 euros (en général, un contrat pour une notation financière se négocie 50 000 euros, je pars donc avec un petit handicap). J’approche la RATP. Elle refuse. Elle préfère traiter avec BMJ, une agence fondée par les ex d’Arese ! Ah, merde alors ! Moi qui croyais qu’il suffisait de virer les gens pour être patron ! Fillon ! Chérèque ! A l’aide !

O.B.

Mots clés : Nicole Notat, Vigeo, fonds de pension, Caisse Nationale des caisses d’épargne, Caisse des dépôts, CFDT


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