René Carron, P-DG du lisier
LA VIE DES GRANDS FAUVES (SANS NUMÉRO)
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Charlie du 9 mars 2005
Ah, de la bouse de vache au Crédit agricole, la deuxième banque mondiale en termes de fonds propres ! J’ai 62 ans, et me voilà sortant de ma limousine avec mes Berluti pour participer à la réunion du Fonds monétaire international... Le gratin financier de la planète. En 1942, l’année de ma naissance, la Savoie c’était pas très brillant... Reniant mon statut de fils à papa, j’ai bossé comme petit éleveur. Je faisais de la « montbéliarde ». Bové, lui, c’est plutôt la « salers » . Et j’ai tout de suite compris : l’agriculture, c’est l’argent public. J’ai donc épousé une institutrice, qui me permettait de boucler mes fins de mois. Ensuite, en avant les subventions !
C’est ainsi que l’ai acquis ce « visage rugueux mais sympathique » qui me vaut tant d’amis, surtout chez les femmes aux jolis yeux de génisse. Vous savez qu’en France la FNSEA tient le ministère de l’Agriculture et le Crédit agricole. De congrès en copinage, me voilà membre de la Fédération nationale du Crédit agricole en 1995, puis président en 2000, et simultanément président du CASA (Crédit agricole société anonyme ! eh oui, les contribuables français, eh oui ! tout le fric que vous avez donné aux agriculteurs via les prêts à taux bonifié, les transferts à la Sécurité sociale, les 30 milliards d’euros de subventions par an, tout ça, ça méritait bien de devenir une société anonyme, pas vrai ?). J’ajoute à ma décharge que mon papa Albert était président du conseil régional et président de la caisse régionale de Savoie. Donc je riétais pas si petit éleveur que ça, mais faut jouer les humbles, surtout dans la bouse.
Donc me voilà, avec ma faconde et ma rondeur, propulsé vers la haute finance. En 2002, je fais une OPA sur le Crédit lyonnais, et je vire Peyrelevade, le Marseillais de la monnaie. Merci, ô contribuables qui avez versé quelques dizaines de milliards d’euros. Et c’est pas fini avec Executive Life ! - t’inquiète pas, cher François Pinault, l’État payera. Je complote ensuite avec mes potes Michel Barnier, Hervé Gaymard et Jean-Claude Killy dans des caves obscures où l’on bouffe de la soupe à l’oseille et du reblochon en rêvant de bétonner la Savoie.
Qu’ajouter à mon inexistence ? Le bon sens près de chez vous, la main au cul des vaches mais la tête dans le trou d’ozone, l’intelligence du coeur, la saine parole du fumier, la conviction faite homme Anne Lauvergeon, P-DG d’Areva, dit de moi : « Il a ce double côté local et global. Les pieds dans la glaise tout en jouant dans la cour mondiale. » Oh, c’est beau ! Nanou, je sens que je vais te financer quelques centrales...
o. b.
Mots clés : René Caron, FMI, FNSEA, Crédit agricole, Crédit lyonnais, ministère, agriculture
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