Stéphane Fouks, le grand communicateur de Lionel Jospin
LA VIE DES GRANDS FAUVES N°173
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Charlie du 6 août 2003
Je vous rassure tout de suite : je ne suis pas le communicant de Charlie Hebdo. Non. Ce qu’il fait est vraiment trop bien. Trop malin. Moi, il me faut du couillon, du socialo, pour m’épanouir pleinement. À la rigueur, je pourrais communiquer pour la FNSEA ou CPNT... Pour LO, peut-être... Tous les mercredis, je prends des leçons, page 4, de Charlie.
Donc je suis le P-DG de RSCG (Roux, Séguéla plus deux autres nœuds dont j’ai oublié les noms), et mon idole est Séguéla. J’admire Séguéla. J’admire la façon dont il a torpillé Jospin. Avec mon aide, certes, ce dont je ne suis pas peu fier.
J’ai quarante-trois ans et un vague diplôme de droit, un Deug ou un machin, bref, je suis inculte. C’est la base pour réussir dans la pub. J’ai été chef de cabinet (adjoint) de Michel Rocard quand il était ministre de l’Agriculture, chargé du renouvellement du papier dans l’imprimante.
Vous me direz : des mecs comme Séguéla et moi, qui ont fait la campagne la plus minable depuis que la politique et la pub existent, devraient émigrer, se planquer, entrer chez les trappistes ou se faire faire une chirurgie esthétique définitive, gommer les empreintes digitales, coloriser les pupilles, traficoter les cordes vocales et ne plus jamais apparaître en France en public ! Eh non ! Séguéla (que j’admire) continue de conseiller et se répand en ville et dans les médias. Et moi, j’adore conceptualiser mon échec. Faut dire que j’adore le concept. J’ai parcouru Baudrillard, Debord, lipovetski, Marshall McLuhan et Comte Sponville (surtout Comte Sponville).
Quand j’ai vu Jospin, j’ai tout de suite pensé que c’était le Ioser qu’il me fallait. On allait pouvoir le faire battre et lui faire comprendre qu’il s’était battu lui-même. C’est ma thèse : si Jospin a perdu, c’est sa faute. Séguéla et moi, on n’y pouvait rien. Il ne pouvait que perdre.
J’ai dit à Anne Sinclair que j’avais du talent : « Anne, j’ai un positionnement qui va au-delà de ce que l’on fait classiquement [1]
. » « Positionnement », c’est beau, non ? Presque aussi beau que « posture ». J’ai ajouté : « Après l’orage, vient le soleil [2]. » J’ai fait la pub d’Air France, d’Orange, d’Airbus, de la RATP, mais ma grande fierté, c’est McDo. Ah, faire bouffer de la merde aux Français, j’aime ! Vous allez me dire, c’est du cynisme ! Non. C’est de l’enthousiasme. Il faut créer de l’enthousiasme. N’est-il pas enthousiasmant, Jacques (Séguéla), avec sa tête de vieux rat lifté, bronzé au whisky et crétinisé aux UV, cafouillant sa pensée pop-soixante-huitarde en plastique ? Ne suis-je pas enthousiasmant ? Tant qu’il y aura de la pub, il y aura de l’enthousiasme !
O.B.
Mots-Clés : Stéphane Fouks, pub, Lionel Jospin
[1] Authentique. Entretien, Le Figaro, 5/5/2003.
[2] Authentique (ibid).
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